Pourrais tu me dire ce que signifie le nom du groupe Jadallys ?
Sélène : C’est la réunion de Jade (le nom originel de notre groupe) et d’Alice (l’héroïne du conte « Alice au Pays des Merveilles »). Au début, nous nous appelions Jade mais nous avons souhaité donner à notre groupe un nom plus en accord avec le fantastique, le merveilleux, l’imaginaire…Un nom à la fois évocateur et original ?.
D'après la bio, certains membres du groupe appartenaient à un autre groupe appelé Minuit. C'était quel genre de musique ?
Ded : Oui, Sélène et Tino faisaient partie de Minuit, un groupe de heavy metal tout à fait traditionnel, si ce n’est que les textes étaient chantés en français. Deux albums ont quand même été sortis à cette époque…C’était en 95, je crois.
Sélène : C’était du métal classique, rien à voir avec Jadallys.
Ca fait longtemps que le groupe existe, et on a l'impression que durant toutes ces années on a jamais entendu parler de Jadallys. Pourtant à l'écoute de l'album, on peut entendre une certaine forme de maturité musicale. Quel a été votre parcours jusqu'à cet album ?
Ded : Jadallys existe véritablement depuis 2000. Le groupe s’est d’abord façonné au moyen de la scène, beaucoup de concerts ont été faits, c’est sur le terrain qu’on se construit, pas en studio. Par ailleurs, nous devions prendre le temps de trouver notre formation définitive, tout autant que d’arriver à une certaine maturité dans notre expression propre. Tout cela ne se fait pas en un jour, je crois d’ailleurs que le temps est le facteur déterminant, il faut le laisser faire son oeuvre... sans être impatient.
Maintenant que ce disque jouit d'une bonne distribution, comment voyez vous l'avenir ?
Tino : Brennus est un label très ouvert à la découverte de nouveaux artistes, un des rares à être porteur d’espoir pour de jeunes groupes, c’est un remarquable point de différenciation par rapport à la majorité de ce qui existe dans le monde de la musique avec toutes ces structures commerçantes dont l’objectif n’est pas le développement d’un artiste, mais de tondre le mouton pour en tirer le maximum de profit dans l’immédiat.
Ded : L’avenir pour nous, ce sera d’essayer d’avancer, de faire mieux connaître Jadallys, de faire partager notre musique à ceux qui voudront bien l’apprécier, d’être honnêtes avec nous-mêmes et avec notre public et bien sûr de tenter de faire beaucoup mieux, d’aller plus avant encore dans la création musicale.
Je me suis penché sur vos textes, et je dois avouer que vos lyrics sont très travaillés et pourraient passer pour de petits poèmes ?... Qui écrit ces textes et quel est sa formation scolaire ?
Sélène : Les lyrics, écrits par Tino et moi, sont à la base des poèmes, qui sont ensuite retravaillés en chansons. Ce n’est pas simple, mais c’est la garantie d’une certaine authenticité : nous n’écrivons jamais une phrase parce que cela « fait bien », ou parce que cela sera « vendeur »…Les textes ne sont jamais destinés à rassembler un maximum d’auditeurs à la faveur de sentiments consensuels ou de tournures racoleuses. Nous écrivons ce que nous ressentons au fond de nous-mêmes, tel quel, tant pis si cela ne plaît pas, mais au moins ce n’est pas surfait. Le public qui nous écoute et nous voit comprend ainsi très vite qui nous sommes vraiment et nous connaît réellement. On ne le trompe pas. Evidemment, cela suppose un gros travail d’écriture, car écrire un poème, puis en faire une chanson, sans utiliser les clichés du genre, cela exige un effort.
Jodrel : notre formation scolaire ne peut être à l’origine de quoi que ce soit dans le domaine artistique. Nous sommes à peu près sûrs qu’il est préférable de « désapprendre » avant de créer, plutôt que d’aller chercher son inspiration dans les livres d’école.
En réalité, les diplômes ne sont que la reconnaissance d’années passées à avoir correctement appris et répété une masse de raisonnements et d’informations préalablement triés, choisis et organisés par la société. Tu peux devenir critique d’art, tu peux devenir conservateur de musée, tu peux devenir éditeur de musique ou gestionnaire, grâce à tes diplômes des voies professionnelles te sont ouvertes, mais jamais ils ne t’aideront à créer, jamais. Parce que la vraie création par définition est innovante, en ce sens qu’elle apporte quelque chose de plus par rapport à l’existant.
C'est tellement riche textuellement, que je me dis qu'il faudrait être costauds pour en faire un vidéo clip !!!
Sélène : A partir du moment où tu es libre , entièrement libre d’écrire ce que tu veux, forcément cela devient riche, parce que ton esprit n’a plus de limites. Les images deviennent multiples, tu laisses libre cours aux sensations, aux émotions, aux intuitions et cela t’entraîne dans des contrées sans doute dangereuses commercialement mais tellement passionnantes. Je veux dire par là que c’est casse-gueule parce que les gens risquent de ne rien comprendre, mais qu’au moins tu as le sentiment d’écrire pour de bon. Alors oui, la profusion d’images et d’allusions rendra un clip assez complexe à réaliser.
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C'est la première fois que j'entends du "fairy rock", c'est quoi ce genre musical pour ceux qui ne vous connaîtraient pas ?
Seb : Nous avons donné ce nom à notre musique afin de ne pas être obligés de la faire entrer dans un cadre préétabli, où elle n’aurait rien à faire. Rock ou métal féérique, c’est la façon la plus simple ou la moins gênante pour qualifier notre musique, puisque nous sommes en France et qu’en France il faut tout classer sous peine de ne pas être crédible.
Le rock féminin commence à prendre de l'importance depuis le sacre de Evanescence, comment voyez vous cette évolution ?
Tino : je pense que le rock féminin existait de très belle manière bien avant le sacre d’Evanescence. Pensons quand même à Janis Joplin ou Patty Smith, par exemple. Pour autant les nouveaux groupes à voix féminines illustrent très bien la féminisation actuelle de la société qui est une magnifique chance pour l’humanité.
Le rock va se féminiser de plus en plus et ce qui restait l’un des derniers bastions musicaux de mecs va tomber, ce qui sans doute apportera plus de finesse et de musicalité, tout en gardant la pêche, bref un nouveau souffle et de nouvelles directions à une musique qui en a besoin...
Il est évident que toute personne réellement curieuse ou ayant un esprit de découverte de nouveaux horizons ne pourra que se féliciter de ces évolutions. Seuls peut-être quelques-uns, qui s’enferment dans les stéréotypes et les querelles de clocher, regretteront que leurs vieilles habitudes soient bousculées et qu’en plus cela arrive à cause des meufs.
Quels sont vos projets dans les mois à venir ?
Sélène : Un ou deux concerts sur Paris en janvier/février, une tournée française de mars à juin, puis des festivals cet été. Nous avons également de nouvelles compositions sur lesquelles nous travaillons.
Un dernier mot pour clôturer l'interview ?
Jodrel : On ne peut comprendre notre démarche que si l’on se rend compte que nous n’avons jamais essayé de copier qui que ce soit, que nous avons rangé toutes nos influences dans un tiroir et oublié de le rouvrir . Il y a tellement de groupes excellents qu’il serait inutile et sans intérêt de faire du sous-X ou du sous-Y, même si dans un premier temps tu peux prendre ton pied en faisant ça ! La seule voie positive et valable pour un jeune groupe est d’essayer de faire autre chose et d’apporter modestement sa pierre, sa contribution à l’évolution d’un genre musical. On ne dit pas qu’on y arrive, on dit juste qu’on essaye et c’est ça qui a de la valeur.
Par ailleurs, Jadallys ne peut se concevoir uniquement par la musique, c’est un concept d’art global qui mêle la musique, le théâtre et l’aspect visuel, et bien sûr les textes qui ont une importance essentielle, d’où l’utilisation de la langue française. On s’est simplement et basiquement posé au départ la question de savoir à quoi ça servirait de chanter devant un public français dans une langue qu’il ne comprend pas dans son immense majorité. Nous savions que la langue « obligée », la langue « traditionnelle et d’usage » est l’anglais dans ce style de musique, mais il nous est impossible de nous plier aux traditions et aux usages, surtout lorsque ceux-ci nuisent à la bonne compréhension de ce que nous souhaitons faire. Alors nous n’avons pas hésité un seul instant et nous ne le regrettons pas, car il y a à l’étranger beaucoup de gens très sensibles aux intonations et à la richesse de notre langage.
Tino : Pour clotûrer l’interview, on voudrait juste dire merci cent mille fois à ceux qui nous écoutent, qui nous suivent et qui nous apprécient. Ce sont eux qui nous aident et c’est avec ceux-là que nous sommes heureux de partager notre musique. Il y a des gens extraordinaires avec qui nous sommes en contact, des gens qui nous écrivent, d’autres que nous rencontrons dans les concerts et ils nous parlent de notre musique mieux que nous ne saurions le faire, car ils la comprennent et ils la vivent. C’est pour eux que nous sommes là et à chaque fois que nous lisons un de leurs messages ou que nous rencontrons l’une de ces personnes, c’est là que nous saisissons toute l’importance du partage et de la compréhension entre les hommes, c’est là que nous ressentons à plein le bonheur d’être écoutés.
Philippe Duarte |